PIÈGE

BONHEUR IDÉAL

  • L’obsession du bonheur
  • Les attentes
  • L’idéalisation dans le couple
  • L’individualisme et la solitude
  • Les effets (société du manque).

Le piège du bonheur idéal

De nos jours, on nous vend l’idée qu’une vie heureuse ne comporte ni épreuve, ni souffrance. Nous sommes abreuvés d’images idéales de bonheur idéalisé, d’une existence uniquement constituée de plaisirs.

Cette vie-là est devenue un support marketing pour nous vendre toute une gamme de produits et de services.

Le bonheur serait-il « un état durable de plénitude et de satisfaction, un état agréable et équilibré de l’esprit et du corps, où la souffrance, le stress, l’inquiétude et le trouble sont absents ? ». La vie serait-elle « un chemin où la maladie et la mort seraient maintenues loin de notre vue ? ». Qu’en est-il de l’amour et de la famille ?

En bref, le bonheur est en train de devenir, par certains côtés, la nouvelle religion de notre société de consommation.

Ces conceptions valorisent à l’extrême le bonheur sous la facette hédonique, en mettant l’accent sur :

  • L’épanouissement individuel ;
  • L’atteinte du plaisir ;
  • L’évitement de la douleur.

Mais en suivant cette idéologie, ne nous mettons pas en route vers un pays qui n’existe pas ? Au bout du compte, ne risquons-nous pas d’être déçus et insatisfaits en comparant cet imaginaire, « ce qui devrait être » pour que nous soyons heureux, avec « ce qui est », la réalité d’un monde qui apporte aussi – et pour certains de nous de manière aiguë – souffrances et difficultés ?

L’obsession du bonheur

Le bonheur est une quête universelle, un impératif à atteindre : nous devons être heureux et épanouis, et ce dans tous les domaines de la vie. Ce bonheur devient alors une condition pour avoir l’impression que notre vie a un sens.

Le risque de cette obsession du bonheur est de ne plus évaluer notre existence à l’aune de ce qui nous arrive vraiment de manière neutre, mais en comparaison avec ce que nous devrions ressentir.

Les conséquences, pour ceux qui sont obsédés par leur bonheur, peuvent être un vécu dépressif ou un bien-être bas, dans des situations où il n’y a aucune raison de se sentir mal.

Les attentes

Les objectifs auxquels nous accordons de l’importance déterminent :

  • Ce que nous voulons atteindre.
  • Les standards à partir desquels nous évaluons notre succès.

Voici un exemple : quelqu’un qui valorise la réussite académique et qui est très exigeant avec lui-même sera extrêmement déçu s’il a de mauvais résultats. Mais en général, cette déception lui sert de moteur pour travailler davantage les domaines concrets de la vie (sport, études …), cet écart entre le rêve et sa réalisation ne représente pas une entrave à l’atteinte de l’objectif.

Cependant, il en est autrement du bonheur. Le poursuivre crée des effets paradoxaux dont certains se révèlent tout à fait contraires à l’objectif premier. Lesquels ? En étant obsédés par cette finalité, nous risquons d’être mécontents ou déçus de ne pas être heureux, cet état de déception et de mécontentement devenant lui-même un obstacle au bonheur !

L’idéalisation dans le couple

→ La vie de couple nous offre une excellente illustration des dangers de l’idéalisation.

→ La plupart d’entre nous espèrent qu’il existe quelque part un partenaire parfait. Une fois cette personne rencontrée, ce sera le conte de fées assuré. Une relation harmonieuse, une communication fluide et facile, l’entente cordiale… Toutes ces représentations sous-entendent donc que si notre vie de couple ne ressemble pas à cela, c’est que nous n’avons pas trouvé le bon partenaire ou que nous ne vivons pas encore le vrai et grand amour.

Dès lors, nombreux sont les couples qui s’attendent à ce que les sentiments du début, leurs premiers émois, le plaisir et l’attraction, durent toujours sans aucun effort ni compromis. Ainsi, lorsque ces sentiments changent, c’est pour eux forcément le signe que la relation ne fonctionne plus, puisqu’elle ne ressemble plus au modèle idyllique.

Nous sommes également attachés à l‘idée que notre partenaire devrait se comporter de la manière dont nous voulons et que, sans le demander, il satisfasse naturellement nos désirs. Les personnes déçues de l’amour qui parlent de manière cynique des relations, partagent la même illusion : elles ne sont donc pas « désillusionnées » comme elles le prétendent, mais en plein mirage ! Le fait de croire que le bonheur n’est pas pour elles, les rend aigries.

Pour les nouvelles rencontres, si nous restons accrochés à un « idéal » de la relation amoureuse, au lieu de rencontrer quelqu’un, nous nous retrouvons confrontés à notre imaginaire. Il s’intercale comme un filtre entre nous et l’autre, en empêchant la vraie rencontre. Après une rupture, l’image idéalisée de l’ancienne relation est encore présente entre nous et la nouvelle personne, et un trio infernal vient alors se former dans notre esprit.

Ce mécanisme de croyance et d’attachement à un modèle qui n’existe pas vaut aussi pour le sexe : les images de « ce qui devrait » se passer empêchent bien souvent le bien-être et le plaisir.

Idéalisation, individualisme et solitude

Isolement

La recherche effrénée du bonheur risque aussi d’augmenter l’individualisme. Un des effets positifs de cette conception est de développer et de mettre en avant l’autonomie et la réalisation personnelle. Revers important : elle favorise et entretient l’esprit de compétition et rend chacun unique acteur responsable de son bonheur.

L’obsession du bonheur est aussi un facteur d’isolement social. Si je suis persuadé(e) que ma réussite et mon bonheur sont plus importants que mes relations avec les autres ou sans rapport avec eux, j’aurais tendance à les négliger.

Les effets de la poursuite effrénée du bonheur : une société du manque.

Notre société de consommation repose sur l’idée que le bonheur peut s’acheter. Une fois que nous avons tout ce qui est matériellement nécessaire pour vivre, la logique du système est donc de susciter continuellement de nouvelles envies. Ainsi notre attention est détournée de ce qui est essentiel dans nos vies, et nous sommes incités à établir constamment des comparaisons.

Des signes de cette idéalisation qui risque de nous mener à l’obsession : « Quand j’aurai un nouvel emploi, alors je pourrais enfin me sentir bien ». Ce genre de pensées qui nous porte à croire que le bonheur est à conquérir, et que si notre cadre de vie change et s’enrichit de nouveaux objets (maison plus grande, smartphone performant), tout ira mieux.

C’est le principe du consumérisme, construit sur la frustration et le manque : nous faire consommer davantage en nous inoculant des désirs, rêves et remèdes imaginaires.

Ce système nous pousse aussi à la comparaison, à regarder et à envier ce que les autres possèdent et que nous n’avons pas, que ce soit en termes de biens matériels ou de position sociale.

Sans surprise, les désirs matérialistes et l’envie induisent : un niveau bas de satisfaction dans la vie et plus de frustrations.

Sur les réseaux sociaux, nous sommes exposés à 2 pièges en même temps :

→ percevoir uniquement les bons côtés des autres

→ et se comparer à un idéal, souvent inaccessible.

Le même phénomène se retrouve dans le monde du développement personnel ou du coaching : certaines personnes naviguent de professionnel en professionnel aux méthodes différentes pour trouver ce qui les soulagera du mal-être et qui les rendra définitivement heureuses.

En somme, si ce bonheur idéalisé devient un dû (il nous revient de droit, la vie nous le doit) ou une obligation, nous avons de grandes chances d’être déçus.

Plus nous voulons nous en approcher, plus nous souffrons de ne pas y parvenir.

Dès lors, à espérer un quotidien fait d’un bonheur idéalisé, nous nous coupons de notre vie.

Cela nous coûte beaucoup d’énergie, tant en actions pour essayer de l’atteindre, qu’en pensées, ruminations et questions, des énergies que nous ne pouvons alors pas consacrer à ce qui compte réellement pour nous.